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Droits de douane à 30% : «C'est une folie tarifaire !»
Droits de douane à 30% : «C'est une folie tarifaire !»

Le Figaro

time4 days ago

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Droits de douane à 30% : «C'est une folie tarifaire !»

ENTRETIEN - L'économiste Antoine Bouët est persuadé d'un «coup de bluff» de la part du président des États-Unis, qui semble ainsi vouloir «accélérer le dénouement des négociations» avec l'Union européenne. Antoine Bouët est économiste. Depuis le 1er octobre 2022, il est directeur du Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII) et est également professeur d'économie à l'Université de Bordeaux. LE FIGARO. - L'annonce de Donald Trump de l'imposition de droits de douane de 30% pour l'Union européenne fait vivement réagir. Était-elle prévisible ? Publicité Antoine BOUËT. - Oui et non, parce que si l'on s'en tient à ses propos tenus la semaine dernière, le président des États-Unis avait annoncé que les négociations étaient en cours. Et en même temps, voilà, c'est Donald Trump et il avait déjà annoncé des surcharges tarifaires sur pas mal de pays ces derniers temps : le Japon, la Corée du Sud... Il a annoncé aussi des nouveaux tarifs sur le cuivre. Ce qui devient complètement incohérent parce que si on veut faire du protectionnisme, il ne faut surtout pas le faire sur des matières premières, puisque ça augmente le prix des inputs (éléments entrants dans la production d'un bien, NDLR). Donc maintenant, aux États-Unis, l'acier, l'aluminium, le cuivre et peut-être maintenant bientôt le bois vont être plus chers et cela va gêner les industries. Antoine Bouët est le directeur du CEPII depuis le 1er octobre 2022. CEPII Que risque l'Union européenne ? C'est un peu une folie tarifaire. En même temps, il y a une négociation qui est en cours avec l'Union européenne qui - a priori - allait être dénouée le 1er août. Manifestement, Donald Trump a envie de mettre la pression sur les négociations pour qu'elle cède sur davantage de points, en menaçant d'un droit de douane qui est plus élevé que prévu. Si effectivement, cela se traduit par l'augmentation de 30 points de pourcentage des droits de douane sur les produits importés de l'Union européenne, ça va coûter cher à l'Union européenne. Surtout pour l'Allemagne et pour la France, dans certains secteurs. Sur le secteur des boissons et des alcools, cela risque d'être assez dur ainsi que sur l'automobile, l'aéronautique et les équipements. Donc est-ce qu'il y aura des exemptions sur ces secteurs ? C'est difficile à dire, mais 30% c'est très cher pour l'Union européenne. Publicité Sachant que ça va être aussi être payé par les ménages et les entreprises américains, il risque d'y avoir dans les prochains mois une augmentation de l'inflation aux États-Unis plutôt autour de 3% au lieu de 2 ou 2,5% cette année. Les entreprises américaines risquent aussi payer plus cher tout un tas de matières premières. Le problème est de savoir si cela va accélérer une annonce de représailles de la part de l'Union européenne qui en avait déjà évoqué contre les tarifs dans l'acier et de l'aluminium. Comment pourrait réagir et répondre l'Union européenne ? Il devait y avoir, sur les tarifs réciproques annoncés le 2 avril, la possibilité de représailles européennes sur 95 milliards de produits. On va voir ce que va faire l'Union européenne, mais il y a un problème car le flux de commerce des États-Unis vers l'Europe est évidemment beaucoup plus petit que le flux de commerce de l'Europe vers les États-Unis. Il est donc plus difficile pour l'Union européenne de trouver des produits sur lesquels on peut exercer des représailles. Mais il y a des pistes, cela pourrait être des biens de consommation finale. Il faut aussi éviter des biens sur lesquels les chaînes de valeur européennes reposent beaucoup sur les importations en provenance des États-Unis, donc il faut faire très attention à ne pas remettre en cause leur résilience. Je pense par exemple à des biens dans l'aéronautique ou dans la pharmacie. Après est-ce qu'on va faire des représailles ailleurs ? Cela pourrait être des restrictions d'exportation sur les fertilisants, sur les inputs chimiques, sur les inputs organiques et inorganiques, sur les appareils de photolithographie sur lesquels les entreprises européennes sont très compétitives. Et si l'on veut faire très mal, on peut même faire des restrictions d'exportation sur les vaccins, mais ce serait peut-être moralement condamnable. Tout ça est un peu délirant. À lire aussi Droits de douane à 30% : Trump met l'Union européenne sous pression maximale Publicité Peut-on parler de coup de bluff de la part du président des États-Unis ? Ces 30% sont quand même très surprenants, c'est vraiment transactionnel pour faire pression sur l'Union européenne, pour qu'elle cède en s'engageant à davantage acheter du gaz naturel liquéfié ou encore des armements. Manifestement, Donald Trump souhaite, depuis une semaine accélérer le dénouement des négociations. Beaucoup assurent que «Trump always chicken out» - «Trump se dégonfle toujours» - donc il a envie de prouver le contraire. Peut-être que les négociations traînent trop à son goût du côté européen et il souhaite faire pression à l'approche de l'échéance du 1er août. En attendant, ces droits de douane ne sont pas encore mis en place non plus. Mais s'ils ne seront pas forcément appliqués, il n'en demeure pas moins qu'une partie du protectionnisme américain pourrait rester autour de 10 points de pourcentage en plus de droits de douane. Tout simplement parce que les États-Unis estiment qu'il faut faire payer aux pays étrangers la protection militaire, le dollar, les bons du Trésor... Il a l'impression qu'avec un tarif de droits de douane plus élevé, il portera tort uniquement aux pays étrangers, mais il se trompe sur l'analyse parce qu'il portera tort à ses propres concitoyens, car ce sont aussi les ménages et les entreprises américains qui vont payer ces droits de douane. Je pense que cette partie est un coup de bluff, avec sans doute des droits de douane en plus d'au moins 10%. On aura peut-être plus en fonction de ce que l'Union européenne cédera ou pas. Mais 30%, les Allemands pousseront pour que ça ne touche pas un certain nombre de secteurs dont l'automobile. Est-ce que l'Union européenne pourrait céder ? Peut-être oui, sur des promesses d'achat supplémentaires.

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